« Viggo a parcouru la Russie de long en large afin de se documenter pour son rôle, raconte le cinéaste de Crash. Et cette découverte nous a ouvert des perspectives particulièrement excitantes. J'ai immédiatement demandé à Steve Knight (auteur de Dirty Pretty Things pour Stephen Frears) de développer la piste des tatouages pour en faire un motif central de notre histoire. Je trouvais cette culture souterraine absolument fascinante. Viggo s'est, lui aussi, passionément intéressé à la question. Le corps est son premier instrument et il n'aime rient tant que le transformer et l'engager le plus loin possible dans un rôle. »

 Viggo Mortensen et David Cronenberg ont travaillé à partir du livre d'une somme sur les tatouages et d'un documentaire d'Alix Lambert, La marque de Cain.  

Un site d'information de prisonniers donne quelques précieuses pistes pour décrypter cet art du tatouage, dont la poésie assez sauvage irrigue les Promesses de l'ombre

L'auteur du texte de présentation explique que personne ne sait vraiment quand le tatouage est devenu une pratique courante dans les prisons russes et les goulags de Staline, mais que des chercheurs soviétiques ont découvert et étudié ce phénomène vers 1920. « Les photographies prises à l'époque témoignent d'une sous-culture déjà très riche et très élaborée. Au-delà de leur fonction décorative, les tatouages renseignent sur le passé du prisonnier et sur son rang dans la complexe hiérarchie sociale des prisonniers. »

Une main tatouée, comme celle qui orne l'affiche du film de Cronenberg, peut raconter nombre d'histoires. Une devise en caractères codées (« Dans la vie, ne compte que sur toi-même », par exemple) ou établir un palmarès (trois crânes sur un doigt = trois meurtres commis par le prisonnier) 

Les prisonniers se font souvent tatouer sur la poitrine ou le dos des monastères, cathédrales, chateaux ou forteresses... Le nombre de tours peut représenter le nombre d'années pendant lesquelles ils ont été enfermés, ou le nombre de séjours passés en prison. Les images de l'art populaire et religieux sont souvent utilisées et transposées dans un langage codé qui peut être compris par les autres prisonniers et par leurs contacts au dehors.

Le chat est  un symbole de la vie passée. Un seul chat indique que le prisonnier a agi seul. Plusieurs qu'il appartient à un gang. Une tête de matou peut être vue comme un porte-bonheur, elle peut aussi signifier qu'il vaut mieux ne pas chercher noise à celui qui l'arbore.

L'araignée ou la toile d'araignée font référence à un passé de toxicomane et  les insignes militaires renvoient souvent à une histoire criminelle mouvementée. Les crânes sont réservés aux meurtriers, et une épaulette tatouée sur l'épaule indique que le criminel est passé par le mitard. L'imagerie nazie est assez répandue. Un insigne SS à même la chair peut ainsi montrer qu'un prisonnier inspire le respect car il n'a jamais rien avoué. Si un détenu se fait tatouer un fil de fer barbelé sur le front, c'est qu'il est condamné à perpétuité.

Les tatouages peuvent être posés de force par les autres prisonniers en guise d'avertissment ou de punition : un agresseur sexuel est souvent marqué d'un poignard qui lui transperce l'épaule ou le cou.

Last but not least, on apprend sur ce site que les tatouages se font avec des aiguilles et des rasoirs électriques, et que l'encre est un mélange de suie, de shampoing et d'urine. D'où quelques sévères infections, et la mort parfois.

A LIRE

Russian criminal tattoo encyclopedia
, de Alexei Plutser-Sarno, Danzig Baldaev et Sergei Vasiliev. Traduit par Magali Pès. Ed. Steidl / Fuel. (Certaines des images ci-dessus sont tirées de cet ouvrage).